On pense qu’on sait à quoi s’attendre d’un album de Stereophonics. Près de 30 ans après leur tout premier, Word Gets Around (1997), les héros gallois continuent d’enchaîner les pièces taillées pour la radio, de remplir stades et arénas et de capter des instants du quotidien qui résonnent autant dans la vie des gens ordinaires que dans celle des vedettes rock. Mais attention : leur 13e album, Make ’em Laugh, Make ’em Cry, Make ’em Wait, révèle une fébrilité nouvelle dans l’écriture et une volonté de remettre en question l’état du monde, habilement enveloppées dans leurs airs accrocheurs emblématiques. Rester immobiles ou se résigner, ce n’est pas dans leurs plans. Dans « There’s Always Gonna Be Something », Kelly Jones exprime la difficulté d’avancer quand on « porte le poids d’un monde en feu » [« got the weight of the world on fire »]. Sur « Colours Of October », il a l’impression qu’un « drapeau blanc dans cette bataille est sans espoir » [« white flag in this warring feels hopeless »]. Pourtant, malgré ces sombres réflexions, l’énergie lumineuse de Stereophonics est plus éclatante que jamais. Un brin de nostalgie flotte sur « Backroom Boys », où Jones se remémore des baisers échangés à l’arrêt d’autobus et des bières dérobées : « Nothing makes me feel alive/Like the sound of rock ’n’ roll/Not the time of mobile phones » [librement : « Rien ne me fait sentir aussi vivant/Que le son du rock & oll/C’était pas l’époque des téléphones intelligents »]. Aucun mot ni aucun accord n’est gaspillé dans ces huit pièces, portées par la voix unique de Jones, aussi soignée que gorgée d’âme. Voilà un groupe qui était reconnaissant d’être là il y a 30 ans, et qui poursuit dans la voie de la gratitude. Il l’exprime en prenant soin de capter l’état d’esprit de son fidèle public, et en lui offrant sans cesse des albums de qualité, bonifiés de quelques surprises.