L’auteur-compositeur-interprète oji-cri Aysanabee est le genre d’artiste qui peut stupéfier un public non averti avec sa voix gorgée d’âme et ses compétences exceptionnelles de fingerpicking. Mais son talent brut, il le déploie au sein d’une vaste vision conceptuelle. Sur son premier album Watin, sélectionné dans la courte liste du prix Polaris en 2022, il a utilisé des conversations téléphoniques avec son grand-père du même nom pour constituer une réflexion profondément émouvante sur le système oppressif des pensionnats canadiens et le drame intergénérationnel qui en résulte, et qui persiste encore dans les communautés autochtones. Edge of the Earth ne possède pas une trame narrative aussi manifeste; il met de l’avant des méditations plus personnelles – mais universelles – sur la façon de naviguer à travers les nombreux changements et défis de la vie. L’album illustre bien les ambitions musicales grandissantes d’Aysanabee et son désir irrépressible de connecter avec les masses. D’humbles sérénades agrémentées de claquements de mains (« Embers », « Good Love ») se métamorphosent par exemple en imposantes démonstrations de percussions tonitruantes et d’harmonies célestes. Au milieu des hymnes folk d’aréna et des morceaux rock enlevants, Aysanabee prend un moment pour faire l’éloge funèbre du grand-père dont les histoires ont animé sa première offrande, mais qui est décédé peu après sa sortie. « One thing I know/Everything comes and goes with a price » [librement : « Une chose que je sais/Tout va et vient, et jamais gratuitement »], chante-t-il avec regret sur « Without You », avant de transformer cette sombre ballade au piano en un hymne gospel tempétueux, et de montrer concrètement comment on peut puiser dans le le deuil pour persévérer.