Testi

Il me faut suivre Dieu, car Lui m'a sauvé
Que ce soit avec ou sans toi, ça t'est égal
C'est un chemin douloureux que j'emprunte
L'aurait-il été davantage en ta compagnie?
Puisque tu me tentais par tes attraits
Tant par la chair que par ce que j'ai dû faire pour te conquérir
Tu étais ma concupiscence que je voulais élever vers la sainteté
Mais je n'ai de cesse de le répéter
Il te reste encore une chance, choisis le Vrai Chemin
Et j'aimerais vous dire la splendeur des paysages
Et des couchers de soleil
La senteur des lilas et tout le reste
Ce qui rend heureux
L'inoffensif de ce qui n'a pas de sexe
Comme une nuit étoilée ou encore l'histoire d'un peuple
La naissance du Christ et la conquête de l'Antarctique
Je pourrais vous décrire la beauté du monde
Si je savais la voir
Raconter comment la foi et le courage
Peuvent venir à bout des plus grands malheurs
Mais je suis trop occupée à mourir
Il faut aller droit à l'essentiel, à ce qui me tue
Et surtout je dois savoir pourquoi il en est ainsi
Je le sais déjà mais il faut m'en convaincre
Savoir hors de tout doute ce que j'ai à faire
Et moi je dis qu'on peut être coupable
Sans avoir choisi ou fait quoi que ce soit
On peut être coupable d'avoir été là où il ne fallait pas
D'avoir vu et entendu des choses
Qui ne nous concernaient pas
De la mort du Christ et de l'imposture des Juifs
De la saison des pluies qui tarde à venir
Et de l'écrasement d'un avion dans la mer
Il vaudrait mieux que je perde la mémoire
Que je puisse hurler pour ne plus l'entendre
Le recouvrir d'un son
Qui ne puisse plus faire l'objet d'un discours
Il faudrait que la folie remplisse ma vie
D'un monde recréé
Sans homme ni femme
Un monde de litanies et de gestes pieux
De fous rires et de clochers
Ce serait bien de se perdre
En dévotions sous mille voiles
Un chapelet de bois autour du cou
Je me prosternerais
Jusqu'à n'être plus qu'un dos offert à mon dieu
Mais c'est trop tard maintenant
On ne peut plus mener ce genre de vie
Lorsqu'on a la nausée de tout
Ça n'arrivera jamais, la vocation et la folie
Demain ce sera la même chose
Je passerai devant les vitrines
Des boutiques du quartier
Tapissées de magazines
Et je ne pourrai pas regarder
Ce qu'ils nous jettent à la figure
Les yeux obliques de cent adolescentes
Qui jouent les femmes mûres
En maillots de bain ou pire
Les seins nus qui prennent toute la place
Et je ne pourrais pas ne pas chercher autour de moi
Un regard qui me rende telle
Qui me fasse prendre toute la place
Qui me hisse jusqu'à cet endroit
Où tous pourront me voir
Et me voir pourquoi pensez-vous?
Me voir pour que disparaissent les autres
Pour faire de moi la seule qui soit
Et de là je pourrai enfin montrer ma laideur
Même si vous ne voulez pas en entendre parler
Je dévoilerai mes coutures de poupée
Qu'on a jetée en bas du lit
Même si ce n'est pas le moment
Je me tuerai devant vous au bout d'une corde
Je ferai de ma mort
Une affiche qui se multipliera sur les murs
Je mourrai comme on meurt au théâtre, dans le fracas des tollés
Et si je meurs avant mon suicide
C'est qu'on m'aura assassinée
Je mourrai entre les mains d'un fou
Je mourrai d'avoir tu ce que je pense passionnément
Ma contribution à ce qu'il y a de pire dans la vie
J'aurai passé ma vie à ignorer tout du monde extérieur
Du pays des merveilles qui existe pourtant
De l'autre côté de cette chambre
Se déployant à perte de vue vers le haut et les côtés
Du moment qu'on se donne la peine de regarder
Je veux dire vraiment, puissamment
En plissant les yeux
Pour ne pas laisser entrer d'un seul coup trop de beauté
J'entends mourir courageusement, fièrement
En vrai Français et faire honneur à mon pays
C'est la dernière et seule chose que j'aurais pu faire pour toi
Il faut que tu saches et répètes
Que ma dernière parole sera "Vive le maréchal, vive la France"
Written by: Nelly Arcan, Thomas Caron
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