Fin de semaine

Je suis de ceux qu'on n'voit pas

Qui font rien qu'on remarque, rien qu'on apprécie

Rien dont on parle mais de ceux qu'on écarte au premier ennui

Ma vie est plate, mes jours fades

Mes rêves fanent à la vitesse de ma jeunesse qui s'enfuit

Résigné, les trains passent et moi, j'mens, j'dis à tous que j'm'en fiche

C'n'est pas grave, je fais ce que j'ai à faire

Depuis l'CP j'ai l'habitude, quand le monde parle, je me la ferme

C'est moi l'gars qui livre

Des paquets de carton dans les piaules pour vivre

Et j'en suis ni heureux, ni fier, j'me lève tous les matins sachant bien

Que j'vais rencontrer des gens qui m'toisent et me prennent pour un larbin

Ni salut, ni bonjour, non, rien, même pas une poignée d'main

En parlant d'ça, où elle crèche celle-là ?

Ah voilà j'crois qu'j'ai trouvé

Ascenseur en panne, il manquait plus qu'ça

La ville m'appartient, de la crasse aux palaces à l'ennui

Des pauses dans les döners, des trottoirs de l'aube à la nuit

Sans point sur le permis au-delà des limites

Rentabilité dit le boss, voilà la messe est dite et puis

Hors-la-loi, c'est ainsi que j'fais mes visites

Avec le son du poste à fond qui crache mes musiques

Les jours s'enfilent, monotones, p'tits accrochages

Et embrouilles déversent un peu d'été dans mon automne

Parfois en avance, j'm'allonge à l'arrière et tape un somme

Si bien que j'finis en retard quand je sonne

Quand mes paupières s'ferment, j'vois ma vie telle qu'elle aurait dû être

Ma bonne étoile n'a jamais parlé

Toujours elle est restée muette, alors j'construis victoires

Et fantasmes dans ma tête et ma vie désuète

Et c'portable qui m'tape sur le système

Ça c'est l'autre, et elle croit qu'j'ai qu'ça à faire

Je pénètre dans un hall classe, un studio où tout est clean

J'fais demi-tour pour m'essuyer les pompes

Aux murs, des affiches de films, des récompenses, des prix

J'avance, non, j'hallucine, eh mec, t'as vu c'est qui

Première fois que j'vois une star, j'y tends la main, il m'dit bonjour

J'y arriverai, je serai dans son costard un jour

La secrétaire, me rappelle à la réalité

« Bonjour, c'est pour qui l'paquet à livrer ? »

Je regarde et dis c'est pour mèche

Elle montre studio B au fond à droite au bout du couloir

Et là j'pousse la porte, c'est le vrai paradis que j'viens d'voir

Matos de fou, rêve de fou, mes yeux scrutent chaque recoin de cette pièce

Les personnes affairées

À travailler l'son qu'dans six mois le public va kiffer

Tellement que j'en oublie l'ingé' qui m'tend le bon et m'dit : « Monsieur, oh, monsieur »

Putain j'crois qu'j'dois filer pour de bon

Retrouver le fourgon

Les bruits, les bouchons, les cris et les têtes de cons

J'monte dans l'coffre, merde, il reste un colis au fond

Je l'prends et l'pose à terre dans l'axe d'une benne

Je recule, prends de l'élan, derrière le véhicule

Un grand coup de pied et l'paquet atterrit dans les ordures

Là j'balance, les deux ou trois conneries qui traînent

Yes, fin d'journée, fin d'semaine