Heure de grâce

Et je marchais attentif Regardant les mouettes fines Quitter l'appui des fenêtres En déchirant des cris brusques Ou bien planant becs ouverts Tournant lentement leurs têtes Lancer des longs cris plaintifs Jusqu'aux mouvances du ciel Leurs ailes étroites traçaient Des ombres, des signes fous Sur des lacs de sang séché Sur les briques de la rue Étreignant dans leurs falaises Un flot inversé de nuages Rapide et rempli de pluie Trempé de lumière pourtant C'était pendant l'heure de grâce Ébloui de claire ivresse J'attendais au bord du monde Que les quais s'ouvrent encore Lancés par la main d'Angus Comme un caillou qui ricoche À défaut de noires Guinness J'absorbais la ville et plus Un attelage gris et rose Conduit des fantômes armés Vers le paradis des dômes Dans la brume et la rosée Des sous-sols agenouillés Prient appuyés sur des grilles Dans la joie païenne des portes Parées d'auréoles saintes L'émeraude, rousse et fine Ces passants pressés qui flânent Les sourires beaux et les chants Des passeurs d'éternité Sous le soleil et l'averse Quand les souffles d'or satine Des colonnes couronnées De Trinités, d'arcs-en-ciel Et je marchais dans Dublin Sans savoir que vers le nord De l'autre côté du pont M'attendait un chien mourant J'allais vers la grande poste Et je pensais à des Pâques En sifflant, mains dans les poches Une musique irlandaise