Le grand écart

Le grand écart

Autrice : Anaïs Tampère-Lebreton

Compositrice : Evelyne Gallet

Si j’appliquais à la lettre

Les conseils et les avis

Je crois qu’il me faudrait être

Une équilibriste de la vie

Conformément libertaire

Fraîchement d’origine

Innocemment connaisseuse

Librement casanière

Mature et enfantine

Toujours drôlement sérieuse

Familièrement solitaire

Méthodiquement bordélique

Ouvertement convaincue

Hygiéniquement vulgaire

Naturellement chimique

Toujours docilement têtue

Il en faut de la souplesse

Pour le faire ce grand écart

Pour garder sa prime jeunesse

Et cacher ses rides sous le fard

Je suis la femme tiraillée

Comme au temps de Cro-Magnon

Ma tête, mes jambes écartelées

Entre la grotte et l’exploration

Discrètement remarquable

Naturellement sophistiquée

Scandaleusement pudibonde

Précisément inclassable

Sereinement angoissée

Et toujours carrément ronde

Il en faut de l’élégance

Pour le faire ce grand écart

Pour garder un cul qui danse

Quand on a la tête dans le brouillard

Je suis la femme tiraillée

Comme au temps béni des tortures

Mes quatre membres écartelés

Entre sainteté et luxure

Égoïstement généreuse

Sobrement épicurienne

Assidûment déconcertante

Modestement ambitieuse

Sacrément païenne

Et toujours légèrement pesante

C’est qu’il en faut de la grâce

Pour le faire ce grand écart

Pour regarder la mort en face

En gardant les yeux hilares

Je suis la femme tiraillée

Comme au temps du moyen âge

Mon cœur, mon corps écartelés

Entre les fous et le sages

Par chance je ne suis pas bonne élève

Quand je tombe je me relève

Je n’applique rien à lettre

Mais je m’applique à être

Je suis la femme tirailleuse

Armée de mes larmes rieuses

Je m’enchaîne à tire-d’aile

Momentanément immortelle