Au fond du verre

Il fait beau dehors, mais j'vois que du gris

Ma tête pleut fort, comme un jour sans abri

J'me parle tout seul, j'me fous des sourires

Ma bouteille m'appelle, j'sais plus dire non ni fuir

J'ai commencé tout doux à seize piges en baloche

Deux bières, trois rires, quatre potes, une clope

Puis le whisky s'est pointé, plus vieux que mes remords

J'ai perdu mon permis, mon job, l'espoir d'un décor

Les copains se sont barrés quand j'ai plus su dire stop

L'amour ? Il est parti, j'ai gardé que l'alcool et mes tocs

J'ai jamais été violent, jamais levé les mains

Mais le temps m'a giflé, lui, sans jamais prendre de gants

J'ai arrêté quinze fois, j'peux te l'jurer en face

Mais à chaque fois qu'j'crois m'en sortir, la nuit me rattrape

Les anonymes, les psys, même l'hypnose en surface

Mais rien perce la brume, faut ma dose ou j'me tape

J'me lève en sueur, j'ai la tremblote, j'ai froid

Mon cœur bat vite, mais j'sens plus rien sous l'poids

Y'a plus d'motivation, plus aucune conviction

Même mon reflet me renvoie l'abandon

J'bois pas pour l'plaisir, j'bois pour anesthésier

Pour geler le vide, pour éviter d'penser

J'ai tout foiré, mais paradoxalement

Y'a qu'avec l'alcool que j'me suis réconcilié vraiment

J'ai arrêté quinze fois, mais ça m'a jamais duré

La bouteille m'appelle plus fort qu'la voix d'la vérité

J'ai tout essayé, tout l'bordel médical

Mais rien n'remplace l'étreinte d'un poison banal

C'est un suicide à petites gorgées

Un sablier inversé

J'compte les jours où j'suis sobre

Comme des heures de trop passées

J'ai pas cherché la guerre, j'ai pas voulu tomber

Mais l'alcool, c'est une paix qu'on paye à se saigner

J'ai pas tapé, pas crié, juste trop trinqué

Et c'est pas les autres, c'est moi qui me suis ruiné

Y'a qu'le silence qui m'répond sans me juger

Et la bouteille, elle, elle me dit toujours "viens m'aimer"

J'suis seul, mais même pas à plaindre, j'ai creusé moi-même

Et aujourd'hui j'dis "j'arrête", tout en buvant à l'ancienne

Y'a du soleil dehors, mais dans ma tête il pleut

J'vais pas t'mentir, j'sais plus trop c'que j'veux

Mais j'vois bien qu'j'avance, le pas lourd et l'œil creux

Et que chaque jour sans boire est un combat que j'perds un peu