Les fils-pères

On avait bien tout calfeutré

Inculqué la faute, le péché

Disposé toutes les œillères

Et brandi la peur de l’Enfer

Normalement ça devait marcher

D’ailleurs ça marchait bien souvent

Pas que chez les oiselles de couvents

Après tant de générations

Qui l’avaient enfoui si profond

Le secret était bien gardé

Et pourtant…

Y avait toujours une jouvencelle

Pour sentir au plus profond d’elle

Un frémissement indicible

L’appel des sens irrépressible

Et une envie de liberté

Y avait toujours un beau parleur

Un beau danseur, un beau charmeur

Pour lui dire qu’elle était belle

Et qu’il ne vivrait que pour elle

Y avait toujours un séducteur

Sachant vaincre ses réticences

Lui faire dire adieu à l’enfance

Et abandonner sa pudeur

Pour succomber à ses ardeurs

Découvrant ou pas la jouissance

Savait-elle dès le départ

Qu’il la quitterait tôt ou tard

Lui laissant pour seule compagnie

L’hôte de son ventre arrondi ?

C’était toujours la même histoire

Celle d’une jeune fille amoureuse

Mal embarquée pour être heureuse

Celle d’une jeune fille abusée

Qu’on traiterait de dévergondée

De débauchée et d’allumeuse

Ce n’est pas si vieux, c’était hier

Pas quand on brûlait les sorcières

Ces jeunes filles que l’on montrait

Du doigt, qui portaient la honte

Toute leur vie d’être filles-mères

Mais pendant ce temps

Que devenaient les fils-pères ?

Certains n’étaient pas au courant

Que c’est comme ça qu’on fait les enfants

Certains refusaient d’assumer

Toute responsabilité

Certains s’en allaient faire la guerre

Sans même savoir qu’ils étaient pères

Certains ne voulaient que s’amuser

Avant d’avoir une vie rangée

Certains disaient que cette traînée

L’avait cherché, bien mérité

Certains étaient collectionneurs

De conquêtes, des prédateurs

Certains épousaient en urgence

Pour préserver les apparences

On raconte même qu’il y en eut

Qui avec joie ont reconnu

L’enfant et vécu leur amour

Sans souci des autres, au grand jour

Mais faudrait quand même vérifier

Ça sent un peu le conte de fées