Terminus

Il faut qu'j'explique qui j'suis

Mais ça m'fait peur de m'poser cette question

Faudrait qu'j'vous parle de moi

Pour que vous compreniez mes chansons

Faudrait qu'j'explique qui j'suis

Mais ça m'fait peur de m'poser cette question, j'connais pas la réponse

Assise dans l'fond du bus, j'sais pas pourquoi j'suis pas descendue à mon arrêt

Mon corps est resté collé au siège comme si c'était un piège d'aller dehors

J'veux plus ressortir, ici tout paraît moins fort

Ici tout est mieux, ici tout est léger

J'me sens bien, j'me sens petite, surtout j'me sens protégée

J'ai aucun autre but que d'voir le paysage mélangé au reflet de mon visage

J'écoute des sons tristes, j'ai pas l'choix que d'me laisser porter

La tête contre la vitre, mes pensées tracées dans la buée

Elles m'écrivent une chanson, seulement la mélodie

Plus j'parle, plus j'ai l'impression qu'rien ne vaut d'être dit

J'ai pas d'backstory, pas d'passé intéressant

J'ai jamais quitté Clichy, j'vis encore chez mes parents

Y a pas grand-chose qui m'intéresse à part mes potes, ma guitare

Depuis qu'j'suis p'tite, y a qu'la musique qui m'inspire soir après soir

Et encore ça peut dépendre de si j'me sens bien

Et comme souvent j'me sens mal, bah souvent ça donne rien

Pourquoi ça marche pas de mettre ses émotions dans les sons ?

Faut toujours trouver du sens ou un peu plus de distance

Peut-être que j'en manque, et c'est pour ça qu'j'me planque ici

J'me sens bloquée par quelque chose de bien plus fort que moi

Un truc qui m'envahit et me fait perdre pied, j'fais pas l'poids

Je lutte pour m'encrer mais j'me sens partir

Comment on sort de cet état ou on voudrait s'nourrir

Mais rien n'a d'goût ? On vit les choses en automatique

J'essaie pas d'être dramatique mais j'en vois pas l'bout

J'ai à peine commencé à vivre, j'ai déjà plus rien à dire

Y a pas un jour où j'me demande pas si c'est pas mieux d'mourir

J'écoute des vieux sons d'mon adolescence

J'suis déjà tellement nostalgique alors qu'j'ai si peu vécu

J'me repasse ma vie depuis ma naissance

J'rêve de retourner à une époque où j'étais pas bien non plus

Pourquoi ça m'fait toujours aussi mal de penser au temps ?

Je crois qu'j'aurais préféré pas pouvoir penser autant

Heureusement que j'peux m'éteindre en allumant mon écran

J'le pose jamais, j'attends que mes yeux s'ferment devant

On m'dit : « Profite de ta jeunesse, faut fumer, tiser, baiser »

Honnêtement ça soulage rien, pourtant j'ai essayé

En c'moment mes ex me manquent et j'aime plus l'goût d'l'alcool

J'veux que m'isoler sous ma couette, redevenir la p'tite Ole

Moi, la fêtarde de service, j'ai même plus envie d'ça

Comme si j'étais d'jà plus là, j'existais qu'dans mes vices

J'essaye de disparaître petit à petit

J'ai cru qu'les choses pouvaient tenir, qu'on pouvait s'y accrocher

Comme à un rêve qui fait que fuir quand on croit s'en rapprocher

Mais tout change, tout fout l'camp, non, les choses disparaissent

Et j'déteste ça autant qu'j'm'ennuie à l'inverse

Ça fait quinze ans que j'comprends pas pourquoi j'me sens à bout

Si moi j'sais pas, dis-moi comment j'pourrais vous l'dire à vous ?

D'toute façon personne se sent bien, c'est pas qu'une phase d'artiste

Même quand j'écris des trucs légers, les gens dont j'parle sont tristes

J'ai l'impression de faire que m'plaindre à longueur de journée

Alors que j'vis des trucs de ouf et qu'j'ai des gens à aimer

Mais tout à un goût amer depuis qu'j'ai douze ou treize ans

J'sais pas vraiment c'qui s'est passé mais c'est pas passé maintenant

J'ai mal tout au fond d'mon ventre, un p'tit peu tous les jours

Même quand y a du monde autour de moi

J'suis encore assise seule à traverser Paris

J'aimerais rester ici, pouvoir passer ma vie là

J'écris encore un texte seule au fond du bus

Mais va falloir qu'je descende, c'est l'terminus